Publié le 5 mars 2024
Homélie du Père Emmanuel Schwab, recteur du Sanctuaire
3ème dimanche Pendant l’Année – Année B
1ère lecture : Exode 20,1-17
Psaume : 18b (19),8, 9,10, 11
2ème lecture : 1 Corinthiens 1,22-25
Évangile : Jean 2,13-25
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« Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours, je le relèverai… lui parlait du sanctuaire de son corps ».
Par sa mort et sa résurrection, Jésus met à mort la mort. En Jésus ressuscité, la mort est morte, en Jésus ressuscité le mystère de la Création est accompli. Et c’est même pour cela que le jour du Seigneur va basculer du septième jour au premier jour de la semaine, parce qu’en Jésus ressuscité, la Création, dont fait mémoire le sabbat, est accomplie ; désormais, rendre grâce à Dieu pour sa création et jouir de sa Création, c’est identiquement célébrer la résurrection de Jésus aux premiers jours des temps nouveaux.
Mais Jésus meurt en son corps singulier, son corps personnel, et il ressuscite bien sûr en son corps singulier que vont toucher les apôtres, mais il ressuscite aussi en son corps ecclésial. Vous connaissez sans doute l’icône orientale de la résurrection, où l’on voit Jésus dans le séjour des morts, qui a fait exploser les battants de la porte du séjour des morts, et tire de leurs tombeaux Adam et Ève
signifiant toute l’humanité captive, pour les entraîner dans son ascension qui va du séjour des morts jusqu’à siéger à la droite du Père. Il entraîne l’humanité captive de la mort et du péché dans le mouvement de sa résurrection pour en faire son corps. Et c’est ce que nous vivons dans le mystère du baptême. Dans le baptême, nous sommes ainsi unis à Jésus ressuscité, et on pourrait presque
dire à Jésus “ressuscitant”, c’est-à-dire que nous sommes entraînés dans ce mouvement. Et Paul dira aux Éphésiens que l’énergie de la puissance de la force que Dieu le Père a mis en Jésus pour le ressusciter d’entre les morts et le faire siéger à sa droite, c’est cette extraordinaire puissance qu’il met à l’œuvre en nous, les croyants (Eph 1,19). Et c’est toute la puissance de l’Esprit Saint.
Ainsi, ce qui se passe dans cet évangile nous concerne, puisque désormais, par le baptême, nous sommes membres du corps du Christ ; et Jésus, symboliquement, vient comme purifier ce temple signe de son propre corps. Ce qu’il fait dans le Temple, il veut le faire dans nos vies. Que fait-il dans le Temple ?
Il remet les choses à leur place. Ceux qui sont allés à Jérusalem peuvent visualiser les choses : il y a d’abord une très, très grande esplanade qui est entourée de colonnades. Au sud de cette esplanade, une grande basilique, un grand bâtiment prévu pour pouvoir y acheter les animaux pour le sacrifice, pour pouvoir changer la monnaie pour qu’il n’y ait pas de monnaie avec l’effigie de César dans le Temple. Et au milieu de cette esplanade, le parvis des Juifs. L’esplanade est accessible à tout le monde, mais les Juifs montent par un autre endroit qui les amène au centre de l’esplanade, dans le parvis des Juifs. Au cœur de ce parvis, se trouve le bâtiment même du sanctuaire à l’intérieur duquel est logé le petit Temple qui contient le Saint et le Saint des Saints. Or, les vendeurs ont commencé à envahir le parvis des païens pour élargir leur étal ; Jésus vient les renvoyer là où ils doivent se tenir pour faire la place aux païens qui vont désormais pouvoir entrer dans l’Alliance. Et l’évangile mentionne un détail très intéressant : Jésus se fait un fouet avec des cordes — cela veut dire que ce n’est pas un coup de colère : il prépare tranquillement son fouet, il n’est pas du tout “en pétard” comme on dirait familièrement, mais il va poser un geste fort. Puis il chasse les vendeurs ainsi que les brebis et les bœufs. Il jette par terre la monnaie des changeurs. Il renverse leur comptoir… Par contre, il dit aux marchands de colombes : enlevez cela d’ici. Les bœufs, les brebis, les vendeurs pourront courir après pour les rattraper ; les changeurs pourront se mettre à quatre pattes pour ramasser leur monnaie. Mais si Jésus ouvrait la cage des colombes, ils ne pourraient pas rattraper les colombes. Et donc Jésus respecte la propriété de chacun, mais il leur demande de mettre cela à sa place. Ainsi, dans nos propres vies, Jésus ne veut pas nous dépouiller de tout : il veut que nous apprenions à mettre chaque chose à sa place et que, comme dirait sainte Jeanne d’Arc, “Dieu soit premier servi” en nos vies, et que les biens matériels ou les soucis de la vie ne prennent pas la place que Dieu doit occuper dans notre cœur, qui est la première place, celle de la confiance et de l’amour.
Le premier commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit » est-il vraiment dans ma vie le premier commandement ?
Pour que nous puissions vivre cela, pour que nous puissions nous laisser dépouiller ainsi de ce qui n’est pas à sa place, le Christ est entré dans le mystère de la mort humaine. Dans le Mystère Pascal, il livre sa vie pour aller jusqu’à détruire la mort et nous entraîner dans le mouvement de sa résurrection. C’est pour cela que c’est notre seul trésor. C’est pour cela que Paul nous dit : « Nous,
nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient juifs ou grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu ».
Et l’Église, dans sa sagesse, trois fois par jour dans la prière de l’Angelus, demande que nous soyons conduits “par la Passion et par la Croix de Jésus jusqu’à la gloire de sa résurrection”. Nous ne sommes pas fascinés par la Croix
sans raison : c’est qu’en contemplant la vie du Seigneur, nous voyons que c’est le chemin qu’il prend pour entrer dans la plénitude de la vie. Et donc, avec sagesse, nous nous disons que si nous prenons le même chemin, nous arriverons au même endroit, c’est-à-dire à la plénitude de la vie.
Mais un détail encore doit retenir notre attention. Jésus dit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours, je le relèverai ». Or à d’autres endroits, l’apôtre Paul nous fait entendre d’autres choses, quand il dit aux Corinthiens : « Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur et nous ressuscitera avec lui » (1 Co 6,14), ou quand il dit aux Galates : « Dieu le Père a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts » (Ga 1,1). Alors comment Jésus peut-il dire : Je relèverai ce sanctuaire ? Saint Augustin fait remarquer que tout est commun dans la Trinité et que ce que fait le Père, le Fils le fait aussi. Mais il me semble qu’il faut aller plus loin. Le Christ nous sauve par sa mort et sa résurrection. Il nous fait entrer dans le
mouvement de sa résurrection par les sacrements de l’initiation chrétienne. Mais il nous faut aussi, non seulement accueillir cette grâce, mais la mettre en œuvre.
Dans une lettre à Céline en 1892, Thérèse écrit ceci :
Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu’Il veut que nous ayons part avec lui au salut des âmes. Il ne veut rien faire sans nous. (LT135) Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu’il ne veut rien faire sans nous…
Et donc, notre propre salut, il nous faut y participer. Le salut de nos frères, il nous faut y participer. C’est même cela qui mobilise complètement sainte Thérèse : c’est de “gagner des âmes” comme elle dit, c’est-à-dire de participer au salut de tous les hommes, y compris les plus grands criminels… y travailler avec Jésus.
Si Jésus vient remettre en nous les choses à leur place, il nous faut travailler avec Jésus pour remettre nous-mêmes les choses à leur place, sachant que tout cela est grâce de Dieu ! Mais la grâce de Dieu n’est pas un acte magique. Dieu nous aime trop pour ne pas nous faire partager la capacité à nous convertir. Cet amour de Dieu pour nous est premier. Ce don de Dieu pour nous est premier et notre vie devient réponse à Dieu. Alors nous pouvons écouter les commandements. Alors nous pouvons relire le Décalogue. Il nous dit comment répondre à la grâce de Dieu. Il nous dit comment demeurer dans cette grâce.
C’est d’ailleurs la logique du Décalogue — et je préfère nettement l’appeler Décalogue qui veut dire les 10 paroles que l’appeler les 10 commandements, car la première parole n’est pas un commandement. La première parole c’est « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude ». C’est-à-dire : Je suis Celui qui t’a libéré ; voici comment demeurer libre. Et les paroles qui suivent disent comment vivre pour demeurer dans cette
grâce de la liberté, comment répondre à Dieu.
Dieu nous aime d’abord, Dieu nous sauve d’abord. Le salut n’est pas au bout du Décalogue. Ce n’est pas parce que nous aurons bien observé tout que nous serons sauvés : c’est parce que nous sommes sauvés que nous pouvons alors observer ce que Dieu dit, que nous pouvons, avec Jésus, accomplir la loi.
Pour cela, il nous faut mémoriser ces paroles de l’Alliance est-ce que chacun de nous connaît par cœur les 10 paroles de l’Alliance ? Si je vous donnais une feuille de papier, seriez-vous capable dans l’ordre de les restituer ? Et si nous oublions ce que Dieu demande, comment le vivre…?
Je vous les redis :