Publié le 2 avril 2024
Homélie du Père Emmanuel Schwab
2ème dimanche Pendant l’Année – Année B
1ère lecture : Actes 10,34 a.37-43
Psaume : 117 (118),1.2,16-17, 22-23
2ème lecture : Colossiens 3,1-4
Évangile : Jean 20,1-9
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Apparemment, il y a quelque chose à voir… mais comment ? Il y a d’abord à voir la réalité, c’est la première chose qui nous est tangible, qui nous est accessible. L’évangile est précis dans sa description. Les traductions le sont moins. Marie est allée au tombeau. Elle voit que le tombeau est ouvert. Il semble qu’elle n’entre pas, qu’elle doit regarder rapidement et elle conclut que le Seigneur n’est plus là. Elle va chercher Pierre et le disciple que Jésus aimait. Ils arrivent tous deux et là, il nous est parlé de regards, mais que voient-ils ? Et que voient-ils qui soit intrigant ? Car si quelqu’un est venu voler le corps de Jésus, le plus simple, c’est de l’emporter tel qu’il est dans le linceul. Or, le linceul est là. Le moins simple, c’est d’enlever le linceul et d’emporter le corps nu. Mais pourquoi ?
Mais il y a quelque chose de plus subtil dans ce qu’ils voient : c’est qu’en fait rien n’a été changé depuis le vendredi soir. Tout est en place, exactement pareil. Simplement le linge est affaissé, comme si le corps avait disparu de l’intérieur. Le suaire qui entourait le visage est à sa place à l’intérieur du linceul. Les bandelettes qui entourent le linceul sont à leur place… simplement le corps de Jésus n’est plus dedans.
Il y a un jeu de verbe dans le grec de l’Évangile : Le disciple que Jésus aimait arrive. On nous dit : il “aperçoit” les linges (βλέπω). Effectivement, il “aperçoit” ; cela entre dans son regard, mais il ne fait rien de ce qu’il voit. Il voit sans interpréter, sans se poser de question, un peu comme on prend une photo, et puis il laisse passer Pierre qui arrive ensuite.
C’est un autre verbe qui est utilisé qu’on pourrait traduire par “contempler”. Pierre “contemple” (θεωρέω), il regarde pour tâcher de comprendre et il ne comprend pas. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?
Le disciple que Jésus aimait entre à son tour derrière Pierre. Et là, un troisième verbe est utilisé où l’on nous dit “il vit et il crut” (εἴδω). C’est voir dans le sens de comprendre, comme lorsque nous disons : je vois ce que tu veux dire, ce qui signifie : je comprends ce que tu veux dire. Il vit et il crut, c’est-à-dire il comprit ce que Jésus avait enseigné, ce que Jésus avait annoncé. En voyant les linges affaissés, la parole du Seigneur lui devient déchiffrable, en même temps que la parole du Seigneur lui permet de déchiffrer ce qu’il voit. C’est ainsi que nous vivons notre relation avec la parole de Dieu et tout particulièrement avec les Évangiles. Lorsque nous méditons les Saintes Écritures et qu’elles demeurent en notre mémoire, l’Esprit-Saint peut alors s’en servir en allant puiser dans notre mémoire pour éclairer des événements que nous vivons.
Et il nous arrive, en vivant quelque chose, de repenser à la parole de Dieu et parfois de nous dire : mais ce que je suis en train de vivre, c’est presque le même événement que ce que j’ai entendu dans l’Évangile… Cela, c’est l’Esprit-Saint qui agit en nous. Et En même temps, l’événement que nous vivons nous permet de mieux comprendre la scène de l’Évangile, en même temps que cette scène de l’Évangile vient nous aider à comprendre ce qui est en jeu dans ce que nous vivons.
Oui, il y a bien une réalité dans l’événement de la résurrection de Jésus. Elle s’est bien déroulée dans notre histoire un jour du temps, et les apôtres ont vu quelque chose de concret. C’est plus tard que le Ressuscité se fera voir par eux. Pour l’instant, ils n’ont que ces pauvres signes des linges affaissés…
Et nous, qui n’avons pas vu ces linges affaissés, nous avons le témoignage des apôtres qui nous disent ce qu’ils ont vécu. Et plus que le témoignage des apôtres, nous avons derrière nous 2000 ans de christianisme et nous avons le témoignage de toute la cohorte de saints qui, d’une manière ou d’une autre, attestent que nous faisons bien de mettre notre foi en Jésus mort et ressuscité. Cette foi nous a été donnée au baptême. Mais cette foi ne grandit pas en nous sans nous. La confiance en Dieu, l’amour pour Dieu, la fidélité à chercher à vivre l’Évangile et les commandements du Seigneur, tout cela ne se fait pas sans nous. Mais notre réponse à Dieu est le fruit de la grâce que nous recevons, c’est la fécondité de l’Esprit-Saint en nous.
Quelle est notre situation ? Saint Paul nous l’a fait entendre clairement : « Vous êtes ressuscités avec le Christ, car déjà vous êtes morts et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu ». Nous ne pouvons plus vivre dans la crainte de la mort. Nous savons que nous participons à la victoire de Christ sur la mort et que déjà Jésus a changé notre trépas en un passage — et j’utilise à dessein le mot “trépas” qui signifie “passage au travers”. Lorsqu’arrivera notre dernier jour, le dernier jour de notre “exil”, comme aime en parler Thérèse — elle parle toujours de notre vie sur terre comme d’un “exil”, notre patrie, c’est le Ciel —, il s’agira comme Jésus de passer de ce monde au Père. Quel est celui qui nous fait faire le passage ? C’est Jésus. Et dès aujourd’hui, il s’agit de vivre en fidélité à Jésus. Cette fidélité qui se vit dans la prière quotidienne, dans la méditation des Saintes Écritures, dans la fidélité à se confesser régulièrement, dans la fidélité indéfectible à la messe de chaque dimanche. Et cette fidélité au Seigneur, nous pouvons constater qu’elle est sincère et vraie si notre amour pour le prochain grandit. Il n’y a pas d’autre mesure de notre foi que celle de la charité pour notre prochain : C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaîtra comme mes disciples, dit Jésus juste après la sainte Cène (Jn 13,35).
Mais alors comment vivre toute notre vie en restant unis à Jésus ? Que devons-nous faire ? Comme Jésus. Le disciple de Jésus cherche à vivre comme Jésus et saint Pierre nous donne un résumé en 8 mots de la vie de Jésus, un résumé que nous pouvons tous retenir par cœur dès aujourd’hui :
Partout où il passait, il faisait le bien.
C’est ce que nous avons entendu dans la première lecture, là où il passait, il faisait le bien. Voilà le résumé de la vie de Jésus. Voilà le résumé de notre avenir, frères et sœurs. Puisque nous venons aujourd’hui célébrer solennellement la résurrection du Seigneur, que nous venons aujourd’hui renouveler la grâce de notre baptême et l’engagement de notre vie à la suite de Jésus, alors cette description est la description de notre avenir.
Oui, frères et sœurs, avec l’aide de tous les Saints du Ciel, dans la puissance de l’Esprit Saint, en marchant à la suite de Jésus, décidons fermement qu’à partir d’aujourd’hui, partout où nous passerons, nous ferons le bien.
Amen