Dimanche 9 juin 2024

1ère lecture : Gn 3, 9-15
Psaume : 129
2ème lecture : 2 Co 4, 13 – 5, 1
Évangile : Mc 3, 20-35

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« Nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et il nous placera près de lui avec vous… Si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous ». L’apôtre Paul nous invite à lever notre regard vers notre véritable horizon, qui est le Ciel, le Royaume, la gloire de Dieu. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité, dit Paul à Timothée (1 Tm 2,4). Si nous perdons de vue le véritable horizon de la vie humaine, alors le véritable sens de la vie humaine disparaît, le sens de la mort disparaît, le sens de la souffrance disparaît et l’on en arrive à affirmer qu’aider à mourir, cela consiste à aider à vivre. Il y a pourtant longtemps qu’en géométrie, on avait renoncé à vouloir qu’un cercle soit carré… Non ! Aider à vivre sa mort, oui, c’est aider à vivre ! Mais faire mourir, cela n’est pas à faire vivre. Il n’y en a qu’un dans toute l’histoire de l’humanité, un seul homme, qui puisse nous faire entrer dans la mort comme dans un chemin de vie : c’est Jésus, et nul autre. Lorsque le jeune homme riche viendra trouver Jésus pour lui demander comment faire pour aller au Ciel, Jésus ne lui dit pas de se tuer ; il lui dit d’abord d’observer les commandements, puis voyant que cet homme vit ces commandements, il l’invite à s’en remettre totalement à lui, Jésus… car c’est lui qui détient les clefs de la vie et lui seul peut nous faire entrer dans la mort comme dans un chemin de vie. C’est tout le mystère de la croix. 

Il nous faut désirer le Ciel. Il nous faut vouloir aller au Ciel. Chez sainte Thérèse, c’est un thème majeur, ce “beau Ciel” dont elle parle. Ce “beau Ciel”, elle le nomme aussi “la Patrie”. Et très souvent, elle revient à ces deux mouvements : celui de l’Incarnation, où Jésus quitte ce beau Ciel pour venir partager notre exil, et le mouvement de l’Ascension dans lequel nous sommes entraînés précisément par la grâce de Dieu : ce mouvement de l’Ascension qui est de quitter cet exil pour rejoindre le beau Ciel. Et l’Unique qui peut nous faire faire ce chemin, c’est Jésus.

Mais nous voyons bien avec les lectures d’aujourd’hui qu’il y a une difficulté pour se situer par rapport à Jésus. Paul, très clairement, affirme comment, en Jésus, ce Royaume nous est donné, cette gloire nous est donnée ; comment il est lui-même au fond, cet édifice construit par Dieu, comment il est lui-même notre demeure éternelle dans les cieux. Et dans l’Évangile, nous entendons les gens “de chez Jésus” — nous ne savons pas bien qui ils sont — disant qu’il a perdu la tête. Et nous avons les scribes descendus de Jérusalem disant que c’est par Belzébul qu’il agit. L’interprétation sur Jésus dépend beaucoup de notre relation à la vérité et de notre volonté de nous laisser éclairer ou non par la révélation que Dieu fait de lui-même. 

Thérèse, dans sa famille, apprend très tôt à connaître Jésus et à l’aimer, et son amour pour Jésus s’enracine dans la contemplation de ce que Jésus a fait pour elle. Et ce que Jésus a fait pour elle, elle comprend très tôt qu’il l’a fait pour tous les hommes, si bien que toute la vie de Thérèse va être une réponse à cet agir de Dieu en Jésus. Et, au fond, Thérèse n’agit pas pour aller au Ciel : elle agit parce qu’elle va aller au Ciel. Elle est totalement persuadée que le salut qui nous est donné est l’œuvre de Dieu et, de toute son âme, elle consent à cette œuvre. Elle consent à ce que son salut dépende uniquement de l’action de Jésus. Ce qu’elle fait, qui lui paraît dérisoire par rapport à ce que fait Jésus, c’est en réponse, en reconnaissance, en gratitude, en remerciement qu’elle le fait. Et elle le fait, non pas pour aller au Ciel — elle laisse cette question à Jésus — ; tout ce qu’elle fait, et notamment toute sa souffrance qu’elle offre à Jésus et tous les sacrifices qu’elle fait pour Jésus et toutes les longues heures de prière qu’elle passe pour Jésus, ce n’est pas pour qu’elle elle aille au Ciel, mais pour que tous les pauvres pécheurs aillent au Ciel. Thérèse est complètement décentrée d’elle-même. 

J’ai sélectionné quelques passages, dans des lettres qu’elle écrit à Marie du Sacré-Cœur ou à sœur Agnès.

À sœur Agnès, elle se compare à un grain de sable et elle compare sa sœur à Véronique qui essuie la face de Jésus, cette face lumineuse, je cite : 

Le grain de sable veut à tout prix sauver des âmes… (non pas la sienne : les nôtres) il faut que Jésus lui accorde cette grâce ; petite Véronique, demandez cette grâce à la Face lumineuse de Jésus !… Oui la Face de Jésus est lumineuse mais si, au milieu des blessures et des larmes elle est déjà si belle, que sera-ce donc quand nous la verrons dans le Ciel ?… Oh ! le ciel… le Ciel… Oui, pour voir un jour la Face de Jésus, pour contempler éternellement la merveilleuse beauté de Jésus, le pauvre grain de sable désire être méprisé sur la terre !…

Agneau chéri, demandez à Jésus que son grain de sable se dépêche de sauver beaucoup d’âmes en peu de temps pour voler plus promptement vers sa Face chérie !…

Je souffre !… mais l’espoir de la Patrie me donne du courage, bientôt nous serons au Ciel… Là il n’y aura plus de jour ni de nuit mais la Face de Jésus fera régner une lumière sans égale !… LT95 à sœur Agnès.

Je relève deux choses.

La première, c’est que cette Face de Jésus que Thérèse a appris à contempler à partir de la Sainte Face de Tours, cette Face de Jésus que sa sœur Céline aimera peindre, cette Face de Jésus est le lien entre le Ciel, le beau Ciel, la Patrie et ce temps de l’exil Et contempler cette Face de Jésus, c’est déjà jouir de quelque chose du Ciel. 

Et la deuxième chose que je relève, c’est que « l’espoir de la Patrie me donne du courage ». Oui, comme un montagnard fatigué sur le chemin, et qui lève les yeux vers le sommet qu’il désire atteindre, retrouve de l’ardeur pour poursuivre le chemin, il nous faut souvent revenir à cette contemplation du Ciel vers lequel nous marchons pour reprendre notre route à la suite de Jésus. 

À sœur Marie du Sacré-Cœur un peu plus tard, Thérèse dit :

Maintenant son visage [de Jésus] est comme caché aux yeux des mortels, mais pour nous qui comprenons ses larmes en cette vallée d’exil, bientôt sa face resplendissante nous sera montrée dans la patrie et alors ce sera l’extase, l’union éternelle de gloire avec notre époux…

LT 117 à Sœur Marie du Sacré-Cœur

Oui, frères et sœurs, la grandeur de notre vie, c’est que nous avons été créés chacun personnellement par Dieu pour partager la vie de Dieu. Et c’est cela qui donne le sens à toute notre existence, c’est cela qui en éclaire tous les instants. C’est cela qui doit éclairer nos choix. Il est normal d’agir en vue du Ciel. Il est normal d’agir en vue de cette gloire que Dieu veut nous donner, dont il veut nous revêtir, parce que c’est notre vocation, parce que c’est ce que Dieu veut. Et agir, non pas pour aller seul au Ciel, mais agir comme Thérèse, en reconnaissance et en gratitude, et coopérer à l’œuvre de Jésus pour que tous les hommes soient sauvés.

Amen.