Publié le 30 décembre 2024
Dimanche 15 décembre 2024
3ème dimanche de l’Avent – Année B
Messe d’envoi du pèlerinage des reliques vers Rome
Homélie du Père Emmanuel Schwab
1ère lecture : Sophonie 3,14-18a
Cantique : Isaïe 12,2-3,4bcde,5-6
2ème lecture : Philippiens 4,4-7 Évangile : Luc 3,10-18
Évangile : Luc 3,10-18
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Les deux premières lectures de ce dimanche orientent notre attention sur la joie, mais l’Évangile pose comme un préalable. La figure de saint Jean-Baptiste est une figure incontournable : dans son prologue, Jean l’évangéliste nous dit l’importance de son ministère qui est comme une clef d’entrée pour la foi en Jésus. Quelle est la prédication de Jean rapportée par saint Luc ? Une prédication qui appelle à vivre dans la justice. Les lectures de la messe d’hier samedi nous parlaient du prophète Élie qui vient pour tout « remettre toute chose à sa place ». Jean le Baptiste, qui accomplit cette figure d’Élie nous dit Jésus, nous appelle à vivre dans la justice, à agir avec justice. Il nous est donné quelques exemples : « Celui qui a deux vêtements qu’il partage avec celui qui n’en a pas, celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même »… Aux publicains qui avaient la tentation de demander beaucoup plus que ce qu’ils devaient remettre aux autorités, Jean dit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé » ; aux soldats qui peuvent connaître la tentation de la violence, de l’appropriation des biens de ceux qu’ils ont violenté, il dit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde ». Nous pourrions poursuivre ce ministère de Jean aujourd’hui, dans beaucoup de situations. Ce que l’Église appelle la grâce prévenante, à savoir la manière dont Dieu aime tout homme de sorte que tout homme puisse accomplir ce qui est juste, cette grâce prévenante continue d’agir dans nos vies. Quel souci avons-nous d’être justes dans tout ce que nous faisons ? Il y a là comme un préalable à notre accueil du Sauveur et un préalable à la joie. Le prophète Sophonie invite le peuple d’Israël à éclater en ovation, à se réjouir, à bondir de joie. Pourquoi ? Parce que le seigneur se rend présent : « Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur ». Et Paul, dans lettre aux Philippiens, nous dit : « Réjouissez-vous dans le Seigneur, je vous le redis : réjouissez-vous ». La traduction “Soyez dans la joie” risque de nous faire penser qu’il s’agit d’un état durable, or Paul emploie l’impératif : réjouissez-vous ! (Χαίρετε). C’est un acte. Il s’agit de mettre très volontairement notre joie dans le Seigneur. « Réjouissez-vous dans le Seigneur. » Il s’agit donc d’apprendre du Seigneur à nous réjouir…
Et de quoi nous réjouir ?
Nous réjouir d’abord de l’amour que Dieu a pour tout homme, et donc de l’amour que Dieu a pour nous-mêmes, nous réjouir du don de Jésus, de la personne même du Verbe fait chair qui nous est donné comme Sauveur et qui, par sa mort et sa résurrection, par sa parole vivante et par les sacrements de l’Église, ne cesse d’être présent à nos vies. Nous le savons bien, nous ne sommes plus jamais seuls : le Seigneur Jésus est toujours là. Il est l’Emmanuel, Dieu avec nous.
Mais sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est pour nous aussi une maîtresse des novices à propos de la joie. Il faut beaucoup la fréquenter et il faut prendre beaucoup de temps pour se laisser enseigner par elle à propos de la joie, parce que la joie qu’elle connaît nous apparaît d’abord comme très paradoxale puisqu’elle va trouver sa joie dans la souffrance. Mais si elle trouve sa joie dans la souffrance, c’est d’abord parce qu’elle trouve sa joie en Dieu. Elle trouve sa joie en Jésus. Elle trouve sa joie dans ce beau Ciel, la Patrie vers laquelle elle avance. Dans son voyage à Rome en 1887, ils ont été d’hôtel en hôtel — c’est un voyage long en train ; l’aller, puis le retour — elle dit :
Pendant tout le cours de notre voyage [celui de Rome], nous avons été logés dans des hôtels princiers, jamais je n’avais été entourée de tant de luxe […] Ah !!je l’ai bien senti, la joie ne se trouve pas dans les objets qui nous entourent, elle se trouve au plus intime de l’âme, on peut aussi bien la posséder dans une prison que dans un palais… (Ms A 65r)
Cette joie, Thérèse la trouve dans la manière dont Dieu agit, elle la trouve dans la miséricorde de Dieu. Et dans cette page magnifique, vers la fin du manuscrit A où elle contemple la miséricorde de Dieu, elle dit : mais moi, c’est quelque chose qui m’a été donné et c’est à travers cette miséricorde que je contemple tous les aspects de l’amour de Dieu, tous les aspects de Dieu et elle dit que “sa justice-même m’apparaît recouverte de miséricorde”. Et elle a cette phrase très belle :
Quelle douce joie de penser que le Bon Dieu est Juste, c’est-à-dire qu’Il tient compte de nos faiblesses, qu’Il connaît parfaitement la fragilité de notre nature. De quoi donc aurais-je peur ? (Ms A 83v)
Voilà où Thérèse trouve sa joie, cette joie intime de l’âme : dans la contemplation de la bonté de Dieu, de la miséricorde de Dieu. Thérèse se laisse éblouir par la grandeur et la bonté de Dieu, à tel point qu’elle comprend qu’elle-même est toute petite. Et elle comprend même que pour accueillir cette miséricorde de Dieu, pour accueillir cette joie qui vient de Dieu, il faut qu’elle reste petite et qu’elle le devienne de plus en plus.
C’est ainsi qu’on peut lire chez elle : J’ai compris ce qu’était la véritable gloire. Celui dont le royaume n’est pas de ce monde me montra que la vraie sagesse consiste à “vouloir être ignoré et compté pour rien – À mettre sa joie dans le mépris de soi-même”… (Ms A 71r)
Et Thérèse effectivement, va progressivement ne plus se soucier de ce qu’on pense d’elle, et ne plus trouver dans les compliments quelque chose qui la nourrit… ce qui la nourrit de plus en plus, c’est de faire la volonté de Dieu, de faire ce qui plaît à Dieu. Et elle dit, en parlant d’elle-même à la 3ème personne :
Toutes les créatures peuvent se pencher vers elle, l’admirer, l’accabler de leurs louanges, je ne sais pourquoi mais cela ne saurait ajouter une seule goutte de fausse joie à la véritable joie qu’elle savoure en son cœur, se voyant ce qu’elle est aux yeux du Bon Dieu : un pauvre petit néant, rien de plus… (Ms C 2r)
Et un peu plus tard, elle exprimera ceci :
Quand même j’aurais accompli toutes les œuvres de St Paul, je me croirais encore “serviteur inutile” mais c’est justement ce qui fait ma joie, car n’ayant rien, je recevrai tout du bon Dieu. (CJ 23 juin)
Puissions-nous nous laisser ainsi enseigner par sainte Thérèse, pour apprendre à placer vraiment notre joie dans le Seigneur, à nous réjouir dans le Seigneur, c’est-à-dire à nous réjouir de la grandeur de Dieu, à nous réjouir du fait que Dieu veuille tout nous donner. Mais pour pouvoir recevoir tout ce que Dieu veut nous donner, il faut que nous soyons appauvris de nous-mêmes, il faut que nous soyons pure disponibilité pour nous laisser remplir.
Je termine en citant quelques vers de la poésie 45 intitulée « Ma joie » :
Il est des âmes sur la terre
Qui cherchent en vain le bonheur
Mais pour moi, c’est tout le contraire
La joie se trouve dans mon cœur
Cette joie n’est pas éphémère
Je la possède sans retour
Comme une rose printanière
Elle me sourit chaque jour. […]
Ma joie, c’est d’aimer la souffrance,
Je souris en versant des pleurs […]
Ma joie, c’est de rester dans l’ombre
De me cacher, de m’abaisser.
Ma joie, c’est la Volonté Sainte
De Jésus mon unique amour […]
Ma joie, c’est de rester petite
Aussi quand je tombe en chemin
Je puis me relever bien vite
Et Jésus me prend par la main […]
Ma joie, c’est de lutter sans cesse
Afin d’enfanter des élus. […]
« Que me font la mort ou la vie ?
« Jésus, ma joie, c’est de t’aimer !
Amen
Père Emmanuel Schwab, recteur du Sanctuaire