Publié le 16 janvier 2025
Dimanche 12 janvier 2025
Baptême du Seigneur – Année C
Homélie du Père Emmanuel Schwab
1ère lecture : Isaïe 40,1-5.9-11
Psaume : 103 (104),1c-3a,3bc-4,24-25,27-28,29-30
2ème lecture : Tite 2,11-14 ;3, 4-7
Évangile : Luc 3,15-16.21-22
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« Voici votre Dieu ! Voici le Seigneur Dieu ! »
C’est ce qui est manifesté dans cet événement, dans cette épiphanie du Seigneur, dans ce baptême de Jésus au Jourdain. Arrêtons-nous un instant pour resituer la signification du baptême de Jean. Jean se tient sur la rive orientale du Jourdain — c’est-à-dire à l’extérieur de la Terre Promise — il fait donc ressortir les fils d’Israël de Terre Promise. Il les exhorte de manière assez musclée à la conversion, en leur disant qu’il n’est pas judicieux de s’abriter sous la paternité d’Abraham : « Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion. Ne commencez pas à vous dire : “Nous avons Abraham pour père” ». Ce baptême est un baptême en vue de la conversion pour préparer le peuple à accueillir le Messie. Les uns après les autres, ils viennent confesser leurs péchés à Jean, puis Jean les plonge dans le Jourdain : Ton péché te conduit à la mort… Tu vas te noyer dans tes péchés. Et Jean plonge ceux qui viennent dans le Jourdain. Il les ressort de l’eau en disant : maintenant entre en Terre Promise pour vivre dans la justice, pour attendre celui qui va venir te sauver.
Jésus vient, il passe sans doute plusieurs jours au Jourdain — on le voit dans l’évangile de saint Jean. Il passe plusieurs jours à contempler cette foule, à contempler les pécheurs qui viennent se reconnaître pécheurs et se laisser baptiser par Jean. Il contemple aussi les pharisiens qui sans doute ne traversent pas le Jourdain, mais regardent avec quelque mépris ceux qui font ce que demande Jean-Baptiste… Jésus leur en reparlera dans sa Passion (Lc 20,1-8). Et à un moment, Jésus vient — c’est saint Mathieu qui nous rapporte le dialogue entre Jean et Jésus à ce moment-là — et Jésus se laisse plonger dans le Jourdain, c’est-à-dire que, symboliquement, dès ce moment, Jésus engage sa vie. Il accepte de mourir de la mort de l’homme pécheur. Il accepte de mourir comme s’il était un pécheur, lui qui est sans péché, et, à la sortie du Jourdain, Jésus étant en prière, le Père le désigne : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ». Dès ce moment-là, pourrait-on dire, Jésus prend la tête du peuple des pécheurs pour les conduire comme nous le disons chaque jour dans l’oraison de l’Angelus, par sa Passion et par sa Croix à la gloire de sa résurrection.
Et ce que Jésus a engagé symboliquement dans ce baptême au Jourdain, il va le vivre réellement dans l’offrande de sa vie, tout particulièrement dans la Passion et sur la Croix. Il s’agit alors de marcher à la suite de Jésus pour se laisser conduire par sa Passion et par sa Croix à la gloire de sa résurrection.
Paul, dans sa lettre à Tite, développe le sens de ce salut qui nous est donné en Jésus. D’abord, il affirme que la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Cette grâce de Dieu s’est manifestée en la personne de Jésus et par toute la vie du Seigneur Jésus. Cette grâce, nous dit-il, nous apprend à renoncer à l’impiété, aux convoitises de ce monde et à vivre dans le temps présent avec sagesse — la sagesse de Dieu —, avec justice et piété, dans l’attente de la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ, dans l’attente du retour du Christ en gloire que nous proclamons dans le Credo, dans l’attente de l’accomplissement de toutes choses, quand Dieu le voudra. Le Christ s’est donné pour faire de nous un peuple ardent à faire le bien, nous entendions déjà cette lecture dans la nuit de Noël. Nous pouvons nous arrêter un instant sur cette expression : « un peuple ardent à faire le bien », un peuple zélé à faire le bien. Quelle est mon ardeur ? Quel est mon zèle à faire le bien ? Comment est-ce que je suis préoccupé de faire le bien ? Dans un de ses discours dans les Actes des Apôtres, saint Pierre à un moment résume la vie du Seigneur… Cela tient en huit mots : « Partout où il passait, il faisait le bien » (Ac 10,38). Pas difficile de retenir par cœur la vie du seigneur, pas difficile pour pouvoir entrer dans une imitation de la vie du Seigneur : partout où il passait, il faisait le bien. Qu’est-ce que tu as à faire, toi ? — Partout où je passe, je cherche à faire le bien.
Et puis Paul continue, et ce que dit Paul là, on pourrait dire que toute la vie de sainte Thérèse en est le déploiement, la manifestation. « Lorsque Dieu notre sauveur a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, dit Paul, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde ». Et je pense à ce petit passage de l’Offrande à l’amour miséricordieux qu’a rédigé Thérèse où elle écrit :
Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé !!….. Paul continue : « Par le bain du baptême, Dieu nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit-Saint ». Les trois grands sacrements du baptême, de la confirmation et de l’Eucharistie nous initient à la vie chrétienne, c’est-à-dire nous initient à la vie avec Dieu, en Dieu-Trinité, pour que toute notre existence se déroule à l’intérieur même du mystère de Dieu, se déroule dans une relation d’intimité avec le Père, par le Fils, dans l’Esprit. Et c’est cette relation à Dieu qui nous sauve. Ce n’est pas un acte ponctuel dans notre histoire, c’est une relation constante. « Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus–Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce (et non par nos actes) nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle.
Mais si nous sommes rendus justes par sa grâce, il s’agit alors que cette grâce se traduise dans notre agir, en faisant le bien, en vivant avec sagesse, justice et piété, ce qui est le fruit de la grâce en nous. Pour vivre cela, sainte Thérèse comprend qu’il faut accueillir cette grâce dans un cœur de pauvre, dans un cœur d’enfant. Dans la lettre qu’elle écrit à sa sœur, sœur Marie du Sacré-Cœur, pour lui introduire cette grande prière à Jésus, qu’on appelle le manuscrit B, Thérèse écrit ceci :
Je comprends si bien qu’il n’y a que l’amour qui puisse nous rendre agréables au Bon Dieu que cet amour est le seul bien que j’ambitionne. Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père…
Et j’ouvre une courte parenthèse : la vie de prière, c’est d’apprendre à s’endormir sans crainte dans les bras de Dieu, notre Père… je ferme la parenthèse.
Elle continue :
« Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi » a dit l’Esprit Saint par la bouche de Salomon, et ce même Esprit d’Amour a dit encore que « La miséricorde est accordée aux petits ». En son nom le prophète Isaïe nous révèle qu’au dernier jour « le Seigneur conduira son troupeau dans les pâturages, qu’il rassemblera les petits agneaux et les pressera sur son sein », et comme si toutes ces promesses ne suffisaient pas, le même prophète dont le regard inspiré plongeait déjà dans les profondeurs éternelles s’écrie au nom du Seigneur : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous caresserai sur mes genoux. » O Marraine chérie ! après un pareil langage, il n’y a plus qu’à se taire, à pleurer de reconnaissance et d’amour…
En quoi cela nous concerne ? Phrase suivante :
Ah ! si toutes les âmes faibles et imparfaites sentaient ce que sent la plus petite de toutes les âmes, l’âme de votre petite Thérèse, pas une seule ne désespérerait d’arriver au sommet de la montagne de l’amour, puisque Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la reconnaissance
C’est presque un résumé de toute la spiritualité de Thérèse que nous venons d’entendre. C’est ce que dit Paul : Lorsque Dieu notre Sauveur a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. En contemplant le Christ qui vient, par son baptême, assumer la sanction qu’est la mort de l’homme pécheur, qui vient prendre notre tête pour nous conduire par sa Passion et par sa Croix à la gloire de sa résurrection, engageons-nous à nouveau résolument à sa suite, en accueillant sans cesse son amour miséricordieux, en nous appuyant sans cesse sur cet amour miséricordieux.
Ce ne sont ni nos efforts, ni le sentiment de culpabilité, qui nous feront changer quoi que ce soit dans notre cœur : c’est l’amour miséricordieux de Dieu, accueilli dans notre bonne volonté, en répondant à cet amour par l’abandon de tout notre être à cet amour, et par une gratitude, une reconnaissance qui se traduit dans la charité concrète pour nos frères.
Amen
Père Emmanuel Schwab, recteur du Sanctuaire