Dimanche 12 mai 2024
6ème dimanche du temps Pascal – Année B

1ère lecture : Actes 1,15-17.20a.20c-26
Psaume : 102 (103),1-2,11-12,19-20ab
2ème lecture : 1 Jean 4,11-16
Évangile : Jean 17,11b-19

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Ce dimanche, qui se situe entre l’Ascension et la Pentecôte, est marqué — comme l’ensemble de ces jours qui séparent ces deux événements — par l’attente de l’Esprit-Saint, la prière à l’Esprit-Saint, le désir d’être renouvelé dans l’Esprit. Les lectures de ce jour mettent en lumière deux aspects fondamentaux, pourrait-on dire, de ce que l’Esprit vient réaliser en nous : la vérité et la charité. Nous avons entendu dans l’évangile comment le Seigneur décrit notre situation. Nous ne sommes pas du monde au sens où nous sommes nés de Dieu. Par le baptême, nous avons été adoptés comme les enfants bien-aimés du Père, nous sommes devenus frères du Christ. Et dans la puissance de l’Esprit-Saint, nous vivons une vie nouvelle… En termes thérésiens, en cet exil, nous vivons la grâce de la Patrie du Ciel. 

Notre référence n’est pas la manière dont vit le monde : notre référence est la manière dont vit Dieu. Et cela nous est révélé en Jésus, qui est vrai Dieu et vrai homme. L’humanité de Jésus est tout à fait importante à contempler pour que nous comprenions qu’il est possible pour un homme d’aimer comme Dieu aime. Et ne nous récusons pas en disant que Jésus est très spécial, lui qui est sans péché ; ne nous récusons pas car il nous donne part à son Esprit pour que nous-mêmes, progressivement, devenions vainqueurs du péché, nous qui sommes déjà vainqueurs de la mort. Tel est l’enseignement de Paul au chapitre 6 de la Lettre aux Romains ou celui qu’il donne au début du chapitre 3 de la Lettre aux Colossiens, quand il nous dit que déjà nous sommes morts et que nous sommes ressuscités avec le Christ, même si cela ne se voit pas encore.

Notre vie chrétienne ne peut vraiment se déployer que par la foi. Notre expérience concrète et sensible des sacrements, c’est que nous sommes pareils après que avant. Il peut y avoir parfois quelques implications psychologiques, notamment lorsqu’on va recevoir le sacrement de pénitence et de réconciliation, mais cette sensibilité-là ne dit pas le cœur de ce qui se joue dans les sacrements. Nous ne pouvons vivre des sacrements que par la foi. Je ne me sens pas enfant de Dieu, je le crois ! Je ne sens pas Jésus quand je viens communier, je le crois ! Je ne sens pas l’Esprit-Saint quand je reçois le sacrement de la confirmation, je le crois ! Je ne me sens pas pousser des ailes pour aimer mon conjoint de manière extraordinaire quand je me marie… Je crois jour après jour que le Seigneur me donne ce dont j’ai besoin pour persévérer dans l’amour de mon conjoint. Et je pourrais passer encore en revue les autres sacrements. Notre vie chrétienne se vit par la foi et cette foi nous fait accueillir le don de l’Esprit-Saint. Il nous fait entendre, si nous méditons les Saintes Écritures, si nous les écoutons lorsqu’elles sont proclamées, ce que Dieu veut nous faire entendre. Et ce que Dieu nous révèle est vrai : « Sanctifie-les dans la vérité, ta parole est vérité. » L’Esprit-Saint vient éclairer notre intelligence pour que nous puissions aimer la vérité, connaître la vérité, pour que nous puissions écouter ce que Dieu nous révèle à travers sa parole ou à travers le monde qu’il a créé, et à travers toute parole vraie que nous entendons. Rien n’est vrai qui ne vienne de Dieu… Mais tout mensonge vient du diable que Jésus appelle le menteur et le père du mensonge (Jn 8,44). 

Aimer la vérité où qu’elle soit, dans quelque domaine que ce soit, que ce soit dans le domaine philosophique, dans le domaine scientifique, dans le domaine théologique, dans le domaine politique, que ce soit dans nos relations : dire la vérité, faire la vérité, être vrai, voilà l’œuvre de l’Esprit ! Et ce n’est pas une mince affaire parce que cela demande beaucoup d’humilité, notamment lorsque faire la vérité implique que nous reconnaissions que nous avons mal fait, que nous avons mal parlé, que nous avons oublié ou je ne sais quoi encore.

Au dernier jour de sa vie, le 30 septembre 1897, Thérèse s’écrie :

Oui, il me semble que je n’ai jamais cherché que la vérité ; Oui, j’ai compris l’humilité du cœur… Il me semble que je suis humble. (Carnet jaune 30 septembre 1897)

Il serait beau que chacun de nous, sur son lit de mort, puisse parler ainsi. 

La deuxième chose que fait l’Esprit-Saint, c’est de soutenir notre volonté, notre capacité d’agir, notre capacité de faire. Nous avons une intelligence pour connaître le vrai, nous avons une volonté pour pouvoir de nous-mêmes agir conformément à la vérité. Et c’est par cette volonté que nous pouvons aimer. C’est la deuxième lecture, tirée du chapitre 4 de la première Lettre de saint Jean, qui nous entraîne sur ce chemin de l’amour : « Puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres ». Je l’ai déjà cité ici, mais je le cite encore ; dans une lettre que Thérèse écrit à Céline le 19 août 1894, peu de temps avant que Céline entre au Carmel, elle dit :

Le seul crime qui fut reproché à Jésus par Hérode fut d’être fou et je pense comme lui !… oui c’était de la folie de chercher les pauvres petits cœurs des mortels pour en faire ses trônes, Lui le Roi de Gloire qui est assis sur les chérubins… Lui dont la présence ne peut remplir les Cieux… Il était fou notre Bien-Aimé de venir sur la terre chercher des pécheurs pour en faire ses amis, ses intimes, ses semblables, Lui qui était parfaitement heureux avec les deux adorables personnes de la Trinité !… Nous ne pourrons jamais faire pour Lui les folies qu’Il a faites pour nous et nos actions ne mériteront pas ce nom, car ce ne sont que des actes très raisonnables et bien au-dessous de ce que notre amour voudrait accomplir.

Un de ces élans Thérésiens que nous connaissons ! Mais elle ne dit rien d’autre que ce que dit saint Jean : « Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres ». Et cet amour que Jésus nous commande — Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés — cet amour est nécessaire au monde pour qu’il connaisse Dieu. Écoutons encore : « Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection ».

La charité fraternelle, vécue à l’imitation de Jésus, rend témoignage au monde de la Trinité sainte. Vous connaissez sans doute la réponse de mère Teresa à un journaliste qui lui demandait ce qu’il fallait changer dans l’Église, et elle lui a répondu : « You and me — vous et moi ! » 

Le seul pouvoir que j’ai dans l’Église pour changer l’Église, pour la rendre plus belle, plus sainte, c’est moi, c’est ma vie, c’est mon cœur. Et il s’agit pour chacun de nous de bien entendre que nous avons tous la possibilité d’embellir l’Église. Nous avons tous la possibilité de rendre témoignage au Christ par la conversion de notre propre vie. 

Personne n’a vu ce que vivait Thérèse au Carmel, hormis la vingtaine d’autres religieuses qui étaient là. Et pourtant quel témoignage, et pourtant quel rayonnement ! Mais cela veut dire qu’il nous faut vivre à découvert devant le Seigneur, qu’il nous faut vivre sous le regard de Dieu, pour que nous puissions sans cesse accueillir cette grâce de l’Esprit-Saint qui veut déployer en nous la charité de Dieu. 

Alors, dans cette semaine qui nous sépare de la fête de la Pentecôte, prions l’Esprit-Saint ; non seulement prions l’Esprit-Saint de venir nous renouveler, mais soyons attentifs dans le concret de notre existence à rendre témoignage à la vérité, à renoncer à tout mensonge et parfois renoncer à nous mentir à nous-mêmes, accepter toute parole de vérité, même si elle nous juge. Soyons attentifs à vivre une charité fraternelle concrète, surtout avec ceux de notre entourage que nous avons bien du mal à aimer. Et si vous voulez mieux comprendre ce dernier point, vous allez lire dans le manuscrit C à partir du folio 12 : Thérèse vous enseignera sur ce qu’est cette charité concrète. 

Oui, frères et sœurs dans notre pauvreté, notre petitesse, notre impuissance, nous avons en fait un grand pouvoir : c’est celui de croire de toute notre âme que ce que Dieu nous révèle est vrai. Et alors, en le prenant au mot, de chercher à vivre ce qu’il nous dit, pauvrement, mais avec persévérance.

Amen