Dimanche 26 mai 2024
Solennité de la Sainte Trinité – Année B
1ère lecture : Deutéronome 4,32-34.39-40
Psaume : 32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22
2ème lecture : Romains 8,14-17
Évangile : Matthieu 28,16-20
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Ce passage du livre du Deutéronome rappelle l’unicité de Dieu : « C’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre ». Mais la spécificité de Dieu, c’est qu’il parle : « A-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu ? »
Dieu parle et sa parole demeure au milieu du peuple, sa parole travaille au cœur du peuple, et, comme le dira le prophète Isaïe, cette parole que Dieu donne à son peuple ne lui reviendra pas sans résultat (55,11); ce qui suggère une extériorité de la parole de Dieu par rapport à Dieu.
La promesse de l’Esprit-Saint qui court à travers les prophètes, en particulier le prophète Joël (Jl 3) et le prophète Ézéchiel (Ez 36), est accomplie en Jésus. Nous avons célébré dimanche dernier l’événement de la Pentecôte où l’Esprit descend sur les apôtres réunis avec la Vierge Marie. Cet Esprit promis demeure en nous et nous pouvons ainsi distinguer l’Esprit de Dieu de Dieu lui-même. Dieu créateur, la Parole de Dieu, l’Esprit de Dieu… Au fond, lorsque nous relisons toute l’Histoire Sainte — à commencer par le récit de la Création —, nous voyons déjà présent ce grand mystère que Dieu est Trinité. Le Père, son Verbe, l’Esprit… « Et le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous », nous dit saint Jean dans le prologue de son Évangile (Jn 1,14). À la fin de l’Évangile selon saint Matthieu que nous avons entendu, Jésus donne à ses apôtres cette formule trinitaire que nous connaissons bien lorsqu’il les invite — comme moyen pour faire des disciples — à baptiser « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». La Trinité n’est pas d’abord un sujet pour les théologiens ni un casse-tête pour les catéchistes : la Sainte Trinité est juste la révélation de Dieu en son intimité. Thérèse parle à plusieurs reprises de la Trinité, mais toujours comme ce foyer qui l’attire. À plusieurs reprises, elle prend l’image du petit oiseau qui ne sait pas voler et des aigles, se comparant elle au petit oiseau qui ne sait pas voler et comparant les saints aux aigles. Mais c’est aussi Jésus qu’elle compare à l’aigle, et elle écrit dans le Manuscrit B :
Le petit oiseau voudrait voler vers ce brillant Soleil qui charme ses yeux, il voudrait imiter les Aigles ses frères qu’il voit s’élever jusqu’au foyer Divin de la Trinité Sainte…
Et un tout petit peu plus loin :
Ô Verbe Divin, c’est toi l’Aigle adoré que j’aime et qui m’attires ! c’est toi qui t’élançant vers la terre d’exil as voulu souffrir et mourir afin d’attirer les âmes jusqu’au sein de l’Éternel Foyer de la Trinité Bienheureuse.
Ms B 05
Cette Trinité bienheureuse est une autre manière dont Thérèse contemple cette Patrie qui est la nôtre, ce Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu n’est rien d’autre que Dieu lui-même. Notre destinée, c’est le cœur même de la Sainte Trinité. Notre demeure finale, c’est d’habiter en Dieu. Mais ce que Thérèse comprend aussi, c’est que cette Trinité Sainte vers laquelle nous allons vient vers nous. Je poursuis la citation du Manuscrit B :
C’est toi qui remontant vers l’inaccessible Lumière qui sera désormais ton séjour, c’est toi qui restes encore dans la vallée des larmes, caché sous l’apparence d’une blanche hostie.
La vie chrétienne se déroule toujours dans une sorte de tension où nous contemplons le Ciel, le Royaume vers lequel nous marchons et dans lequel nous ne sommes pas encore, tout en vivant déjà de cette grâce du Ciel puisque le Christ ressuscité continue de se donner à nous ici-bas, en particulier dans les sacrements, et tout particulièrement dans celui de l’Eucharistie.
Dans le Manuscrit A, sur ce même thème, Thérèse précise :
Ce n’est pas pour rester dans le ciboire d’or qu’Il descend chaque jour du Ciel, c’est afin de trouver un autre Ciel qui lui est infiniment plus cher que le premier : le Ciel de notre âme, faite à son image, le temple vivant de l’adorable Trinité !…
Ms A, 48v°
Le Ciel de notre âme, le temple vivant de l’adorable Trinité…
Ceci rejoint cette tension dont je parlais, où à la fois nous marchons vers le Ciel, mais quelque chose du Ciel nous est donné à vivre ici-bas par l’incarnation du Verbe, par le don de l’Esprit-Saint qui fait de notre âme, précisément, le lieu de la présence de la sainte Trinité.
Dans son poème “Vivre d’amour”, dès la deuxième strophe, Thérèse évoque ce mystère trinitaire :
2. Vivre d’Amour, c’est te garder Toi-Même
Verbe incréé, Parole de mon Dieu,
Ah ! tu le sais, Divin Jésus, je t’aime
L’Esprit d’Amour m’embrase de son feu
C’est en t’aimant que j’attire le Père
Mon faible cœur le garde sans retour.
O Trinité ! vous êtes Prisonnière
Que veut dire Thérèse quand elle écrit : C’est en t’aimant que j’attire le Père ?
Elle veut simplement prendre comme une affirmation vraie ce que Jésus dit dans le discours après la Cène : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14,23).
Le mystère de la Sainte Trinité, c’est le mystère intime de Dieu, et il nous faut à la fois apprendre à le contempler dans notre méditation, dans la méditation des Saintes Écritures ; contempler ce mystère… Nous pouvons nous aider des différentes images qui sont à la fois évocatrices et en même temps toutes trop courtes, comme : le parlant, la parole et le souffle ; comme : la source, la rivière et son débit. Mais il nous faut aussi comprendre que la Trinité tout entière vient faire en nous sa demeure, qu’en aimant le Verbe fait chair, Jésus, nous attirons le Père, comme dit Thérèse. Et que là où il y a le Verbe et le Père, il y a aussi forcément l’Esprit. Et nous pouvons le prendre dans l’autre sens : en accueillant l’Esprit-Saint qui nous est donné en plénitude dans le sacrement de la confirmation, en accueillant l’Esprit qui ne cesse de vouloir susciter en nous la foi, l’espérance et la charité, nous nous ouvrons à la présence du Père et du Fils ; car l’Esprit, nous l’avons entendu, est un Esprit qui fait de nous des fils et que cet Esprit en nous crie vers le père « Abba Père ! », et que cet Esprit nous donne d’accueillir l’héritage du Père, mais toujours comme cohéritier du Fils et jamais sans lui.
Le mystère de la Sainte Trinité, c’est le mystère de l’amour qu’est Dieu.
Le mystère de la Sainte Trinité, c’est le mystère de notre propre demeure depuis le jour de notre baptême.
Je termine par ces quelques mots de Thérèse à sa sœur Céline dans la lettre 165 :
Quel bonheur de penser que le Bon Dieu, la Trinité tout entière nous regarde, qu’elle est en nous et se plaît à nous considérer. Mais que veut-Elle voir dans notre cœur ? sinon « des chœurs de musique dans un camp d’armée ? »
(LT 165 – à Céline – 7 juillet 1894)