Dimanche 16 mars 2025

2ème dimanche de Carême – Année C

Homélie du Père Emmanuel Schwab

1ère lecture : Genèse 15,5-12.17-18

Psaume : 26 (27),1, 7-8,9abcd,13-14

2ème lecture : Philippiens 3,17 – 4, 1

Évangile : Luc 9,28b-36

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Sur le chemin du Carême, l’Église nous fait contempler cette scène étonnante de l’Évangile : la Transfiguration. Un événement où seuls sont présents trois apôtres, Pierre, Jean et Jacques, mais un événement qui va être rapporté dans les Évangiles. C’est donc que cet événement est important pour nous.

Jésus est transfiguré ; on nous dit plus précisément que les apôtres voient la gloire de Jésus. Et cette gloire est manifestée par le fait que l’aspect du visage de Jésus devient autre — Luc ne nous en dit pas plus — et son vêtement devient d’une blancheur éblouissante. Jésus est glorifié par le Père. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que Jésus est arrivé au bout du chemin. Cela signifie que Jésus, qui a toujours fait la volonté du Père, est tout prêt à entrer au Ciel.

Mais si Jésus ne renonce pas à cette gloire, pour entrer librement dans sa Passion, nous ne sommes pas sauvés… Car enfin, il faut que l’on m’explique pourquoi la transfiguration s’arrête !… La transfiguration s’arrête parce que Jésus renonce à cette gloire pour s’humilier plus encore et se faire obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix pour nous, pour nous sauver (Cf. Ph 2,8). Comme le dira Thérèse à plusieurs reprises, « Jésus a fait des folies pour nous ». C’est par amour pour nous, pour chacun de nous, que Jésus renonce à sa gloire pour entrer librement dans sa Passion et venir détruire la mort de l’intérieur par sa propre mort et sa résurrection.

Il nous est bon de contempler Jésus dans sa gloire parce qu’il nous dit vers quoi nous marchons. Il nous dit que notre humanité en chair et en os est capable de porter la gloire de Dieu, de rayonner de la gloire de Dieu. Et c’est une bonne nouvelle ! Mais nous voyons en même temps que le chemin de cette gloire, c’est la Passion. Luc nous précise que Jésus parle avec Moïse et Elie de son exode à Jérusalem — ἔξοδος —, ce qui veut dire à la fois du chemin qu’il va parcourir pour aller vers Jérusalem, mais aussi du chemin qu’il va faire pour passer de ce monde au Père par sa Passion et par sa croix.

Lorsque Thérèse composera juste avant le Carême de l’année 1895, son grand poème « Vivre d’amour », à la suggestion de sœur Geneviève — sa sœur Céline — elle composera la strophe numéro 4 :

4. Vivre d’Amour, ce n’est pas sur la terre

Fixer sa tente au sommet du Thabor.

Comme Pierre veut le faire avec Jésus ;

Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire,

C’est regarder la Croix comme un trésor !… (PN 17§4)

Oui, cette scène de la Transfiguration nous invite, en contemplant Jésus en gloire, à comprendre que le chemin de la vie, c’est le chemin qui nous conduit par sa Passion et par sa Croix à la gloire de sa résurrection.

Mais en même temps, ce chemin, comme Paul nous y invite dans sa lettre, nous apprend dès maintenant à contempler le Ciel vers lequel nous marchons, cette Patrie que Thérèse contemple si souvent et à laquelle elle aspire. « Nous avons notre citoyenneté dans les cieux, nous dit l’apôtre, les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux.

Et Paul conclut : « Tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés. » Il s’agit de tenir bon dans le Seigneur, c’est-à-dire d’apprendre à aimer le Ciel, et pour aimer le Ciel, aimer Jésus car tout le Ciel est présent en Jésus. Et Thérèse le contemple, ce Ciel, elle le contemple en Jésus. Cette Patrie à laquelle elle aspire, elle la trouve sur le visage même de Jésus.

Elle l’exprime dans la troisième strophe d’une autre poésie :

3. Ta Face est ma seule Patrie

Elle est mon Royaume d’amour

Elle est ma riante Prairie

Mon doux Soleil de chaque jour

Elle est le Lys de la vallée

Dont le parfum mystérieux

Console mon âme exilée

Lui fait goûter la paix des Cieux. (PN 20§3)

Ta face est ma seule patrie / Elle est mon royaume d’amour…

Tout le Ciel est présent en Jésus, et c’est pour cela que l’Église ne cesse de lire et de relire les saints Évangiles. C’est pour cela que le Père nous dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » (Mt 17,5).

En ce temps du Carême où nous sommes, il nous faut prendre le temps d’écouter Jésus, de le regarder, de le contempler : il est notre trésor. Nous pouvons avoir la tentation, comme Paul le dit dans sa Lettre, de prendre notre propre ventre pour notre Dieu, de ne penser qu’aux choses de la terre, mais ce n’est pas à cela que nous sommes appelés. Comme Thérèse le dira dans une lettre à l’abbé Bellière, deux mois avant sa mort — et nous pourrions l’entendre chacun pour nous :

Ah ! votre âme est trop grande pour s’attacher à aucune consolation d’ici-bas. C’est dans les cieux que vous devez vivre par avance, car il est dit : « Là où est votre trésor, là est aussi votre cœur. » Votre unique Trésor, n’est-ce pas Jésus ? Puisqu’Il est au Ciel, c’est là que doit habiter votre cœur, je vous le dis tout simplement, mon cher petit frère, il me semble qu’il vous sera plus facile de vivre avec Jésus quand je serai près de Lui pour jamais.

Et maintenant, Thérèse est auprès de Jésus pour jamais… Elle veut nous aider, chacun de nous, à faire vraiment de Jésus notre unique trésor et à apprendre à vivre sur cette terre, notre pèlerinage sur la terre :

le vivre avec Jésus,

le vivre avec Jésus présent à notre cœur,

le vivre avec Jésus pour Maître et pour ami,

le vivre avec Jésus pour guide,

le vivre avec Jésus dans l’épreuve comme dans la joie,

le vivre avec Jésus en toutes choses.

Oui, de même que Paul dit aux Philippiens : « frères, ensemble imitez moi », de même, Thérèse pourrait nous dire « Imitez moi » car Paul nous dit aussi : « Regardez bien ceux qui se conduisent selon l’exemple que nous vous donnons ».

Puissions-nous, en ce temps du Carême, avoir le simple courage de prendre du temps pour contempler Jésus, pour l’écouter et pour chercher à faire ce qu’il dit.

Amen

Père Emmanuel Schwab, recteur du Sanctuaire